Blogueuses et journalistes beauté, quand la stratégie RP patine
Après avoir posée la situation précédemment, on voit bien le problème pour une marque de communiquer auprès de ces deux
groupes, aujourd’hui essentiels et incontournables... mais différents. Voici donc la seconde partie tant attendue.
Nous l’avons vu, chaque groupe à ses codes et du coup, les évènements ont des habitudes de formats. (ici aussi je généralise)
Par exemple, un évènement blogueuses est généralement organisé le soir, dans un bar ou un lieu sympa. Les gens de la marque et la community manager y présentent, plutôt en petit comité, leurs nouveaux produits. Ambiance décontractée, on touche, on papote, on boit, on mange, on teste…et on repart avec un sac de produits et/ou petit cadeau.
Côté journalistes, c’est généralement plus formel, une conférence peut être organisée, la plupart du temps dans un beau lieu avec petits fours, et des experts (dermatos..) conviés pour intervenir et répondre aux questions, le tout en journée sous forme de portes ouvertes, de déjeuner ou sur des créneaux horaires précis.
En effet, on part du principe que ce que la blogueuse recherche c’est la nouveauté et le « bénéfice produit », c'est-à-dire son effet à l’utilisation, tandis que la journalistes est réputée « chercher de l’info ».
Souci ? Ce n’est pas si tranché. Certaines blogueuses hyper pointues veulent encore plus de détails (sur les formulations par exemple) et certaines journalistes se passeraient bien du blabla pseudo-scientifique…pour simplement placer dans un shopping le produit qui les a séduit quand elles l’ont essayé.
Du coup, pas facile pour les marques d’identifier les vrais besoins de chacun et de jouer sur les deux tableaux en préservant leur budget et… les sensibilités de chacune. Ce qui pose pas mal de problème et a conduit à quelques faux pas, faute de connaître les us et coutumes, et surtout le rapport, de nos deux groupes… qu’il n’est pas judicieux de mélanger.
Par exemple, une grande enseigne de beauté fait plusieurs fois par an une journée portes ouvertes lors de laquelle sont présentés les produits qui seront distribués en exclu dans leurs magasins. Le format est simple : dans un chouette lieu les marques ont chacune un espace ou un stand où les responsables de la marque et/ou les responsables RP présentent les produits. Toujours super sympa car regorgeant de nouveautés et de futurs it-produits, c’est THE présentation à ne pas louper. Or le service presse, qui doit répondre à un certain nombre de contraintes, a du sélectionner un peu plus drastiquement les journalistes invités. Mais ne pouvant se passer des blogueuses, ils ont voulu leur faire profiter de l’évènement en les invitant à une session spéciale, à la suite de la JPO, le soir. Si l’idée parait excellente (vu le budget de la dite journée, autant optimiser !), la première erreur fut de séparer les journalistes du web des journalistes papier et de les inviter à la session du soir. ERREUR ! Déjà, même si aucune règle n’est absolue, on ne mélange à priori jamais blogueuses et journalistes.
Ce sont des populations si différentes, en âge, en préoccupations, en rapport à la beauté surtout ! Mais mélanger uniquement les journalistes web aux blogueuses revient les y assimiler et vous savez combien une journaliste tient à son titre de journaliste ! Les séparer de la presse papier revient à créer une échelle de valeur et à les reléguer à un statut de journaliste de seconde zone, à considérer qu’elles ne valent pas plus que les blogueuses… alors que l’on sait combien elles tiennent à leur titre de journaliste ! -bis-
Peut être certaines journalistes web trouveront que j’y vais un peu fort et ne seraient, elles, pas vexées de ce traitement, mais j’en doute.
Quoi qu’il en soit, l’autre problème de taille fut qu’après une journée entière passée debout à
devoir répéter en boucle les mêmes choses et se montrer hyper courtois vis-à-vis des journalistes, généralement dans une ambiance survoltée et surchauffée, une coupette à la main, les
représentants des marques, et on les comprends, sont majoritairement rentrés chez eux laissant l’espace vide. Si les blogueuses ne s’en sont pas vexées, les journalistes, elles, (à la recherche
d’infos, rappelez-vous), se sont senties vraiment traitées comme la dernière roue du carrosse, sachant pertinemment que normalement les stands sont animés. Situation aussi
embarrassante pour les pigistes bossant sur papier et web, invitées comme moi la journée, mais dont les rédac chef du web n’étaient conviés que le soir…
En conclusion : il faut éviter de donner tout sentiment de classement ou de valorisation différente. L’idéal serait soit de traiter tout le monde pareil (dans une prez de cette envergure, ici si les blogueuses avaient été là la journée, personne n’aurait rien vu et les journalistes ne les auraient pas reconnues de toute façon), ou alors différemment mais avec chacune des avantages.
Car bien sûr, la comparaison traitement journalistes/blogueuses est encore plus visible quand on est une journaliste qui a en plus un blog beauté (comme moi) et qu’on peut alors comparer.
En effet, je suis sur les listings presse et très peu blogs, ce qui est très bien et logique : je ne vais pas recevoir les produits en double non plus -j’en ai assez comme ça- et ce que je verrais aux soirées blogueuses ferait doublon avec ce que j’aurais appris à la présentation presse.
Mais parfois, j’ai l’occasion de voir les deux évènements, et je suis hallucinée des différences de traitement inexplicables, inexcusables… et surtout tellement peu stratégiques ! Dans ce monde cruel, vexer les unes ou les autres peut en effet vous valoir des déconvenues… (boycott, post vengeur…).
Par exemple, un groupe possédant plusieurs marques à fait une présentation en JPO pour les journalistes, et accueillait le soir, dans le même espace, les blogueuses. Il se trouve que j’étais invitée aux deux : je pouvais choisir. Je suis allée à la journée, c’était top, vu plein de super produits et je me suis dirigée vers la sortie hyper impatiente de pouvoir les tester. Et là, point de sac et surtout, point de dossier de presse distribué. A notre question les hôtesses ont répondu qu’il y avait des prés-infos en indiquant une table sur laquelle étaient posées en libre service, des feuilles volantes concernant les produits présentés. Comme il y en avait des géniaux, je me suis dit que je les recevrais plus tard et j’ai pris les feuilles pour y penser. Mais le plus tard n’est jamais arrivé. En fait, j’étais frustrée car certains produits m’avaient franchement paru extras, que le temps commençait à passer pour pouvoir les placer dans des articles, mais surtout, j’ai commencé à les voir en presse et… sur les blogs !
Une
copine comme moi journaliste et blogueuse, qui elle aussi était venue à la journée et non le soir, était elle aussi passablement agacée en raison d’une info cruciale : les blogueuses
étaient reparties le soir même avec les produits ! Ce qui l’a profondément choquée. Conclusion : nous nous sommes dit qu’on aurait mieux fait d’aller à la soirée
blogueuses !! J
Du coup, après avoir attendu, j’ai contactée l’attachée de presse et demandé les dits produits... qu’elle n’avait plus tous car entre temps, les envois journalistes étaient partis… sans passer par chez moi ! L’attachée de presse a juré que j’étais bien sur sa liste et que j’aurais du les recevoir… Erreur de listing? De livraison ? On ne le saura jamais mais nous sommes deux dans ce cas car ma copine non plus ne les a jamais reçu…Bizarre…
Ici le problème n’est pas que les blogueuses aient les produits avant les journalistes (c’est devenu une pratique courante qui relève de la stratégie : on veut faire buzzer sur le web, alors on fait un évènement blogueuses quelques jours avant la presse, ainsi les journalistes prendront le relais ce qui étalera la présence médiatique dans le temps, et hop !), non.
Là, l’erreur c’est de l’avoir fait le même jour et d’avoir fait une différence entre les deux groupes. Et pire, de ne pas les avoir ensuite envoyés à TOUTES les journalistes qui s’étaient déplacées. Car si moi c’est une erreur (ou pas), avec ma copine on est venues, on n’a rien reçu. Veni, vedi, et c’est tout !
Là, on retrouve la désagréable idée du classement d’importance…
Parenthèse intéressante sur la valeur qu’on nous accorde : une journaliste avec plusieurs supports peut passer après une blogueuse, même d’un petit blog ? Cra forcément lors d’une présentation blogueuse il y a 4-5 « influentes » et une dizaine de moins importantes… Mais c’est loin d’être malin : outre la vexation, une pigiste avec 3 -même petits- supports + un blog = 4 chances de faire des parutions tandis qu’une journaliste d’un grand canard = 1, car elle ne passera pas deux fois les produits dans le même mag! Idem pour une petite blogueuse. Bonjour la prise de tête des marques pour trancher dans le qui est la plus « rentable »… Mais c’est un autre sujet… (que je met de côté : Comment décider à qui envoyer les produits/les infos/qui inviter ou pas VS un budget, ou le casse tête des services presse).
Pour revenir à nos erreurs stratégiques, nombreux sont ceux avec qui j’ai discuté du sujet et qui à un moment ont répondu : « Mais pourquoi ça énerve les journalistes que les blogueuses reçoivent des choses, ça ne vous enlève rien ? » En effet, à la base, je suis tout à fait d’accord : tant que je reçois les infos, ils peuvent bien les envoyer à qui ils veulent. (après faut juste être conscients qu’une certaine population qui va sur les blogs ne trouvera plus rien de nouveau dans les magazines puisqu’elle aura eu vent des produits avant sur le web : c’est pas ça qui va aider la presse ! Mais bon, il reste l’éditorial et les dossiers, heureusement !).
Mais en plus de l’exemple ci-dessus où nous avons bel et bien été privées d’infos et de produits, j’ai récemment appris qu’une marque dévouait un budget plus important pour son évènement blogueuses que pour celui des journalistes.
Ca donne : d’un côté un budget ric-rac pour organiser une JPO et la galère pour les attachés de presse de devoir faire à l’économie sans faire cheap, et de l’autre une soirée blogueuses haut de gamme, avec spectacle, 3 artistes différents réquisitionnés et taxis à dispo !
Là pour le coup, c’est un choix de la marque de dépenser plus sur les blogueuses que pour la presse.
Ce qui ouvre le débat : on peut se demander si cette stratégie est légitime pour les marques qui vont là où le retour sur investissement est le plus fort, si en réalité c’est une connerie car des blogs qui peuvent se mesurer à des médias classiques en terme d’audience, il n’y en a pas tant que ça, et surtout -vaste débat- si finalement, comme il y a deux groupes de rédacteurs, il y a deux groupes de lecteurs, auquel cas il devient urgent d’adapter la manière de communiquer, non pas au support, mais surtout au lectorat…
Et prendre en compte côté presse que le public apprécie de plus en plus découvrir les produits en situation et comme si une copine en parlait plutôt que dans un cadre ou, certes, il y a de l’info mais où finalement on n’a jamais la place de s’étendre sur les spécificités d’un produit ; et où, soyons honnêtes, on ne critique jamais rien : en tant que journalistes, à 99%, « si on n’aime pas, on n’en parle pas ».
A vous les studios !
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