Réfugiés : voir, regarder, aider
/image%2F0819513%2F20150904%2Fob_3b8af2_aylan-kurdi-kiyiyavuraninsanlik.png)
Les photos circulent. Elles nous arrivent, entrent par nos yeux avant que l’on ait pu choisir de les voir, elles se sont imprimées dans notre cerveau. Trop tard pour « fermer les yeux », au sens propre. Et tant mieux. Enfin, pour moi.
Car « tant mieux » ce n’est pas l’avis de tous. Comme ceux qui crient au manque de « respect » pour ces enfants noyés, pour leur famille. Qui s’offusquent.
Moi je crois que c’est précisément mieux les respecter de faire voir leurs visages, même tuméfiés, que de les reléguer à un chiffre facile à oublier, entendu au journal.
« 230 réfugiés ont trouvé la mort hier au large de…. Blablabla. Et maintenant, les sports… »
Nombreux sommes-nous à manquer cruellement de connaissances ou de discernement pour comprendre l’ensemble d’une situation internationale de cette envergure, pour appréhender cette crise. Pour suivre qui part d’où, va où et pourquoi. Aujourd’hui des réfugiés il en arrive partout, et de partout, ou presque. Et nombreux voient ce que les médias montrent sans forcément finalement en savoir les choses les plus basiques. Honnêtement, moi-même j’ai du mal à suivre.
Mais les images, toujours elles, déferlent, témoignage figé de situations insoutenables où les enfants sont au premier plan.
Fuite de Syrie en Turquie "par le trou d'une aiguille" en juin, Frontière entre macédoine et Grèce il y a 15 jours , en Serbie ensuite, gare de Budapest en Hongrie hier et chaque jour porte son lot de scènes effroyables, de gens refoulés, d’enfants en larmes devant des barbelés, Alors on sait « vaguement », on « voit de quoi ça parle » et sans doute que l’imagination fait le reste. Devant ces boat people nouvelle génération, nombreux voient la misère. Ils voient des ombres humaines, en guenilles, sales… Et pensent peut être qu’ils sont une sorte de marée de pauvres, c’est ça. Juste des « pauvres gens ».
Sans comprendre que leur vie a basculée.
Sans penser qu’il y a peu de temps, ils avaient une vie, un métier, une famille, des albums photos, racontaient des histoires à leurs enfants. Que certains sont médecins, plombier, profs… Et qu’il ne s’agit pas juste d’un débordement de pauvreté venu d’un pays lointain, si lointain qu’on l’imagine un peu sous développé, et peuplé de gens tels qu’on les voit sur les embarcations, sans identité.
C’est sans doute plus facile de penser confusément ça, que de se dire qu’ils sont comme nous.
Mais est-ce encore possible? Non.
Oh, rassurez-vous, je ne vais pas vous faire le coup de on est tous humains etc… quoique… Mais sachons le: il y a quelques jours, ils avaient des chaussures, des bijoux, ils mangeaient des gâteaux. Comme nous. Les enfants avaient des nounours.
Aylan, ce petit Syrien échoué sur une plage turque alors qu’il tentait avec ses parents et son frère de rejoindre l’Europe promise, est aujourd’hui la claque qui manquait pour qu’enfin certains se prennent cette vérité en face.
Ca pourrait être nous. Ca pourrait être nos enfants.
Et la photo de lui avec son nounours et son frère avant le drame sont tout ce qu’il faut pour enfin voir. Les voir. Les voir entiers, vivants, pour les êtres qu’ils étaient, avec une histoire. Une histoire que raconte la photo avec le nounours, et son père, vivant, lui, qui est là pour expliquer que ses enfants lui ont "glissé des mains". Ainsi que la sœur de celui-ci qui habite au Canada où ils avaient demandé l’asile. Soudain, ils ont des visages. Il ne s’agit plus d’anonymes. De gens que personne ne pleurera car aucun proche ne sera retrouvé ou parce qu’ils ne seront pas identifiables. C'est ce que la parution de cette photo, la "photo de la honte", apporte comme le dit aussi cet excellent article du Monde.
C’est ce qui change tout.
Ce qui crée ce sursaut qui a un nom et un hashtag: #KiyiyaVuranInsanlik : humanité naufragée
C'est si évident et c’est ce qui ressort des articles comme celui-ci que j’ai aimé. Enfin! Regardons-les. Pendant leurs longues marches dignes et calmes comme sur cette vidéo impressionnante. Reconnaissons ce courage, incroyable. Ecoutons-les. Comme ce jeune homme sur cette video qui dit que le peuple syrien est humilié. Comment ne pas ressentir d'empathie, comment encore penser ou écrire comme certains haineux des "Rentrez chez vous" comme on peut les lire sur certains commentaires quand on a vu CA, des familles courir à travers champs sous les balles?
C'est pour ça qu'il faut voir. Regarder. Une fois qu'on ressent cette proximité humaine, forcément la haine s'en va, l'envie de changer les choses remonte. Ou suis-je naïve?
Il parait que la France est nulle pour aider, que l’on est raciste et que comme toujours les autres font mieux que nous. Au niveau des pouvoirs publics, peut être. Mais à notre niveau ?
Pas plus tard qu’il y a une trentaine de minutes je me faisais tomber dessus par un pote au sujet d’une collecte que j’organise pour des réfugiés, lui me disant que c’était complètement naze, que l’action concrète n’était pas là, qu’il fallait commencer par faire en sorte que les Etats Unis fasse ceci et cela, qu’eux aussi ouvrent leurs portes aux réfugiés etc… N’ayant pas le portable d’Obama, je n’ai à mon niveau pas tellement de moyen d’agir, lui répliquais-je. Peu importe, selon lui il faut faire chier nos dirigeants (de merde) jusqu’à ce qu’un changement s’en suive, que toutes ces actions c’était de la connerie, qu’on était des moutons, dans l’émotionnel, à faire ce que le système nous poussait à faire (ici venir en aide aux réfugiés par empathie). Et un autre de renchérir sur le débat disant que la solution consistait à ne plus donner d’argent aux groupes financier qui nous contrôlent par notre bon vouloir.
Oui. Bien sûr.
Bien sûr qu’il vaudrait mieux agir en amont. Bien sûr que ramasser les morceaux avec une pelle en carton ce n’est pas LA solution. Bien sûr que c’est plutôt les causes que les conséquences qu’il faudrait traiter. Certainement que la France, pas plus qu’aucun pays n’a "besoin" de ces problèmes supplémentaires à gérer.
Mais ceux qui sont là, ils sont là. Ce sont des gens. Des vrais. Et pas des «problèmes à régler», justement. Ces gens, vous vous souvenez, ceux qui sont comme nous. Comme vous.
Oui, nous sommes dans l’émotionnel, et alors ? En sort-il forcément quelque chose de nul ? Bien sûr que non. Et au contraire. Oui l’émotion altère parfois le jugement, mais elle n’efface pas forcément notre conscience des choses. Et les conséquences peuvent ensuite devenir des causes d'autre chose, alors oui, bien sûr, qu’il faut aider. Ca ne ramènera pas cet enfant ni aucun autre adulte, mais ça aidera ceux qui sont là, maintenant qu'ils sont là.
Aider, mais comment ?
Toutes mes pistes pour aider, comment monter une collecte, contacter les associations etc : LIRE LA SUITE
Pour suivre tous les articles, des offres d'emplois et des infos, RDV sur la page FB du blog